Le pinceau pour peinture en France

Voici quelques informations sur le pinceau français dédié à la peinture classique. Je ne suis pas exhaustive car il existe des milliers de pinceaux pour des centaines de pratiques artistiques. Je reste focalisée sur les pinceaux les plus fréquemment rencontrés dans les magasins de beaux-arts.

Définition du pinceau

Un pinceau est une tige en bois ou en bambou à laquelle on fixe des poils. Les poils peuvent être issus d’animaux à fourrure ou bien de fibres synthétiques. Une fois le pinceau terminé, il sert d’outil de traçage ou de peinture. Ses formes sont diverses selon le trait que l’on veut obtenir et la technique utilisée.

Histoire du pinceau en France

Pinceaux Léonard, Raphaël et Manet en France
Implantation des fabricants de pinceaux français

On suppose que le berceau mondial du pinceau prend ses racines en Chine, aux alentours de -300 avant JC. Sans étonnement, il suit le développement du papier car on a besoin d’inscrire des données et différents textes sur un support. La combinaison papier-pinceau fonctionne plutôt bien. Le pinceau se répand sur le continent asiatique et facilite grandement l’écriture et l’illustration.

Pinceau raphaël et Isabey

Les premières fabriques de pinceaux arrivent en Occident autour du XVIIIe siècle. La manufacture Parent qui vend la marque de pinceaux Raphaël est l’une des plus anciennes du continent européen. Elle s’installe à Paris en 1793, près du Pont-Neuf.
Par la suite, elle est rachetée par Charles Sauer en 1859 et reste entre les mains de cette famille jusqu’à aujourd’hui. La fabrication de pinceaux Raphaël est transférée à Saint-Brieuc. La fabrique fait partie du groupe Max Sauer depuis 1960. Elle sera plus tard rejointe par la marque de couleurs Sennelier, les pinceaux Isabey et les châssis à peindre Berge.

pinceau léonard

On trouve aussi la marque Léonard à l’atelier Cherion & Samuel à Paris vers 1779. Comme Raphaël, elle fabrique également des pinceaux. Elle obtient plusieurs récompenses lors d’expositions universelles (1855, 1878, 1889 et 1900). Elle déménage elle aussi à Saint-Brieuc en 1866. C’est la même famille qui tient les rênes de l’entreprise depuis 1840.
En 2018, Léonard et Max Sauer se rapprochent pour s’unir face à la concurrence étrangère et être plus proactifs pour développer des marchés à l’extérieur de la France.

pinceau manet

Une dernière marque plus récente, Manet, était présente sur le marché français depuis 1933. Elle avait commencé son activité avec les blaireaux de barbier et les pinceaux en bâtiment. Manet s’était implantée à Caen, à Cormelles-le-Royal et fabriquait un million de pinceaux par an et exportait 27% de sa production au Benelux, en Allemagne et au Japon. Elle a malheureusement fermé en 2018 et n’existe plus. Quelques modèles de pinceaux ont été repris par Corector pour liquidation.

pinceaux étrangers

D’autres marques existent sur le marché français mais sont d’origine étrangère comme la marque allemande Da Vinci, les marques britanniques Winsor&Newton, Daler-Rowney, la marque japonaise Kuretake et autres. On trouve aussi des marques de magasins comme Askia, Artisti, Gerstaecker, Boesner, Dalbe, Rougié&Plé, etc. Elles sont généralement moins chères car il y a moins de marketing autour.

Fabrication d’un pinceau en atelier

Le pinceau est composé de trois parties: le manche, la virole et la touffe de poils naturels ou synthétiques.

  1. On rassemble les poils dans un godet.
  2. S’ils sont montés sur plume, on met à niveau les poils.
  3. On les ficelle à 2 niveaux pour obtenir une touffe bien compacte.
  4. On colle des plumes d’oies autour du manche et de la touffe.
  5. Pour rassembler le tout, on enserre des fils d’acier autour de la plume et du manche.
  6. On gratte ensuite les poils pour qu’il n’en reste aucun de libre.
  7. On ébarbe le poil de la touffe.
  8. Le pinceau est terminé.
  9. S’ils sont montés sur virole, on enserre les poils dans la virole.
  10. On écrase la virole avec une pince.
Fabrication d'un pinceau à la main
Processus de fabrication d’un pinceau monté sur plume

Les poils naturels courants

La martre

Martre rouge Kolinsky
Martre rouge Kolinsky

Le poil de martre Kolinsky est le poil le plus cher du monde (6000€ le kilo) et le plus difficile à obtenir. Il sert à fabriquer des pinceaux très hauts-de-gamme notamment pour l’aquarelle. Ils sont aussi appréciés en peinture à l’huile et acrylique.
C’est un animal (mustela sibirica) qui vivait dans la péninsule de Kola, à l’ouest de la Russie. Aujourd’hui, on prélève les poils sur la queue des mâles en hiver en Sibérie, au nord de la Chine et de la Corée. Les poils sont d’une couleur marron au reflets blonds.
Ils donnent une pointe effilée et une touche nerveuse. Ils sont parfaits pour des contours, des détails et des touches fines. La pointe se reforme systématiquement et la touffe reprend sa forme initiale.
Ne pas s’étonner si, pour les pinceaux ci-dessous, les prix s’envolent!
Exemples: Series 7 de Winsor & Newton, Maestro Tobolsky-Kolinsky de Da Vinci, Série 7733 de Léonard, Série 84 de Raphaël.

La martre rouge a plus de mal à reprendre sa forme originelle, prélevée sur la mustela zibellina qui vit dans des climats plus chauds que la Kolinsky. C’est une qualité un peu inférieure mais moins chère.
La martre qui n’est ni rouge ni Kolinsky a une qualité très aléatoire. A ne pas utiliser quand vous êtes un artiste minutieux.

Le petit-gris

Ecureuil Petit-Gris
Ecureuil Petit-Gris

Le petit-gris est un poil d’écureuil de Russie ou du Canada.
C’est un poil doux et absorbant, qui forme une jolie pointe, même quand il est humide. Il a une grosse capacité d’absorption. Il n’a cependant aucune mémoire de forme. C’est une qualité prisée pour les lavis à l’aquarelle et le lettrage.
La queue de l’écureuil de Kazan a une très belle pointe et une bonne élasticité. On y prélève les meilleurs poils pour les meilleurs pinceaux à lavis. C’est un poil noir aux pointes rougeâtres.
Le poil de l’écureuil bleu est similaire à celui de Kazan mais d’une qualité inférieure.
Le poil de l’écureuil doré ou canadien est plus court et plus épais que celui de Kazan. Il est trop court pour faire des pinceaux ronds. Il peut se révéler une alternative intéressante au poil de martre pour son prix, même si la touffe n’a pas de mémoire de forme.
Exemples: Série 803 de Raphaël, Petit-gris pur de Da Vinci, Artisti 139, Série 72 de Léonard.

La soie de porc

La soie de porc est recueillie à partir de poils de porc. La meilleure soie vient de Chine, de la province de Chungking. C’est un poil ferme et résistant de couleur blanche. Il est utilisé en acrylique et huile pour les premières couches et les empâtements.
On trouve la classification suivante par niveau de qualité: demi-blanc, beau blanc, beau blanc extra.
Exemples: gamme d’Artigny de Raphaël, gamme 22 de Manet, gamme 429 de Léonard.

Les pinceaux en soies et fibres synthétiques

Les brosses en fibres synthétiques obtiennent des résultats fulgurants pour les artistes. La recherche a permis d’obtenir des poils très souples comme très durs. Les lignes sont solides et fermes. L’usure de ces pinceaux est moindre que les pinceaux en poils naturels, l’entretien est plus simple et le prix est nettement plus intéressant.
Exemples: Textura de Raphaël (brosse ferme), 869 de Raphaël (brosse douce), Nova de Da Vinci, Similhair de Léonard.
La martre imitation peut se révéler bien meilleure qu’une mauvaise martre. Des progrès ont été faits dans la recherche pour obtenir une fibre synthétique qui est très absorbante et reprend sa forme d’origine. Son prix est nettement inférieur que la martre naturelle pour les mêmes effets.
Exemple: gamme Softaqua de Raphaël, gamme Aquarellys de Léonard, gamme Casaneo de Da Vinci.

Les formes classiques du pinceau pour la peinture

Rond: contours, détails, touches précises
Plat: trait épais, forme carrée ou rectangulaire
Langue-de-chat: détails et aplats
Usé bombé: trait doux arrondi au sommet, estompe, fondu
Mouilleur: utilisé en aquarelle pour les lavis
Spalter: aplats larges et couvrants

Différentes formes de pinceaux
Quelques formes classiques de pinceaux pour peinture

Références:
Art hardware, Steven L. Saitzyk, 1987
Fur-bearing animals in nature and in commerce, Henry Poland, 1892
www.leonard-pinceaux.com
www.raphael.fr
www.davinci-defet.com
www.boesner.fr
MADE IN FRANCE : En Normandie, les pinceaux un savoir-faire « au poil »
Saint-Brieuc, capitale du pinceau

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